Les effets
bénéfiques de transferts de compétences
en
situation plurilingue
NGUYEN
Van Huan
Responsable
de l’enseignement du français
Service de l’Education et
de la Formation de Ben Tre
Courriel :
nvhuan01@yahoo.fr
Résumé :
Dans le monde actuel, la majorité des êtres humains
est bi- ou multilingue et/ou vit dans des communautés bi- ou plurilingues. Selon
G. Lüdi (2001), dans les années 80 déjà, on estimait que 60% de la population
mondiale étaient affectés par l’une ou l’autre forme de multilinguisme. Ch.
Déprez (1999) affirme qu’il y a dans le monde beaucoup plus de locuteurs
bilingues que de locuteurs monolingues. Comme le dit G. Lüdi (2001), le
monolinguisme est « une déviation de la règle ». L’article tentera,
d’une part, d’aborder les bénéfices de l’enseignement bi- et multilingue et les
effets de transferts lors de l’écriture en situation de proximité de langues à
la lueur des connaissances actuelles, et d’autre part, de présenter de manière
succincte les résultats de la recherche de son auteur au sujet des effets
avantageux de transferts de compétences d’écriture chez les enfants
« bilingues » dans le cadre du projet de l’enseignement intensif du
et en français (EIDEF) au Vietnam.
1.
Introduction
Au
Vietnam, devant les défis liés à la mondialisation accélérée et à la nécessité
d’en tirer le meilleur parti afin d’écarter les risques d’uniformisation, de
dépendance et de marginalisation, la perspective du plurilinguisme[1]
s’avère évidente et incontournable. En effet, le Ministère vietnamien de
l’Education et de la Formation (MVEF) en collaboration avec l’Agence
Universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Ambassade de France au Vietnam ont
œuvré à l’implantation à titre
expérimental du projet l’EIDEF depuis 1993 et du projet de l’enseignement du
français deuxième langue vivante étrangère (FLVE2) depuis 2001 dans une
vingtaine de villes et provinces.
Au
sujet de l’enseignement bi- et multilingue, les points de vue sont
différents : les uns parlent de leurs inconvénients, les autres prouvent
leur efficacité. En effet, pour Ch. Deprez (1999, p. 112), dans l’esprit de
nombreuses personnes, la confusion est un danger trop souvent évoqué. La
crainte de la confusion renvoie à « la peur du mélange, de
l’hybride, du métissage, de la bâtardise, de la perte de la pureté originelle
de la langue, […], à la crainte de la confusion mentale ».
Face
aux situations du bi- et plurilinguisme dans le monde actuel, se posent les questions sur leurs enjeux.
- Le
bi-, voire plurilinguisme enfantin ne menace-t-il pas de surcharger les enfants
cognitivement ?
- La
langue maternelle (LM) n’est-elle pas menacée par le contact précoce avec
d’autres langues ?
- Quelles
sont les conséquences d’un bi- et plurilinguisme enfantin sur le développement
langagier, linguistique et cognitif des acteurs ? Et qu’en est-il de leur
« identité » ?
- La ou les langues étrangères (LE)
contribuent-elles à renforcer la LM de l’élève ?
- La 2e
LE exerce-t-elle des effets bénéfiques de transferts sur la 1ère
LE et inversement ?
2. Les effets bénéfiques attendus de l’enseignement bi- et multilingue
L’enseignement primaire du français langue étrangère (FLE)
au Vietnam ne peut pas être considéré comme un enseignement bilingue, même si
les enfants à qui est dispensé cet enseignement apprennent le FLE à l’âge
scolaire. En effet, selon L. Dabène (1991), on ne peut parler d’enseignement
bilingue que lorsque les deux langues en présence sont utilisées comme moyens
et non seulement comme objets d’enseignement. Il ne s’agit pas, dans ce cas, de
bilinguisme précoce. Cependant, cet enseignement apporterait, à mon sens, des
bénéfices au jeune enfant à qui il est dispensé. Cela dit, nous sommes amenés à
aborder, à présent, les résultats des recherches sur les avantages du
bilinguisme précoce.
Comme l’a remarqué Ch. Déprez (1999, p. 112), dans l’esprit de nombreuses personnes, la
confusion des langues est trop souvent évoquée. Pour cet auteur (op. cit.),
cette peur est, nous le savons maintenant, tout à fait irrationnel et les
chercheurs des différents domaines concernés par le bilinguisme :
psycholinguistes, sociolinguistes, psychologues, linguistes ont présenté des
travaux et recherches sur le bilinguisme précoce, qui prouvent son efficacité.
En référence à J.-F. Hamers et M. Blanc (1989, pp.
88-100) et à G. Lüdi (2001, pp. 1-8), on
retrouve une gamme de positions prises par les différents chercheurs en ce qui
concerne les avantages et les inconvénients du bilinguisme précoce. Ces
positions donnent lieu parfois à des thèses différentes, voire même
contradictoires.
En effet, l’avantage intellectuel lié au développement
de la bilingualité[2] est
mentionné dans la plupart des recherches. Cependant, selon J. F. Hamers et M.
Blanc (1989, p. 96), un petit nombre
d’études (W. T. Tsushima & T. P. Hogan, 1975 ; T. Skutnabb-Kangas et
P. Toukomaa, 1976) continuent de rapporter la présence d’un handicap
intellectuel dans le cas du développement bilingue.
Comme bénéfices du bilinguisme précoce, nous abordons d’abord
le développement langagier, linguistique et cognitif de l’enfant bilingue ; nous nous attardons
ensuite au problème qui nous intéresse, celui de la contribution de la LE au
renforcement de la LM.
Pour Ch. Deprez (1999, p. 110), il faut faire
clairement la distinction entre, d’une part les savoirs langagiers qui relèvent
du langage en général, et d’autre part les savoirs linguistiques qui relèvent
de chaque langue en particulier. Les premiers sont acquis une fois pour toutes,
les seconds doivent faire l’objet d’un apprentissage spécifique chaque fois
qu’on apprend une nouvelle langue.
Pour le bilingue précoce, il y a une homogénéité des
savoirs langagiers qui sont acquis en même temps et de la même façon dans les
deux langues. Pour les enfants qui apprennent une seconde langue plus tard, il
y a le transfert de ces savoirs langagiers acquis avec la première langue dans
la seconde et non le réapprentissage de toutes ces opérations. On n’apprend pas
à parler deux fois (Ch. Deprez, op. cit.). L’apprentissage effectif, lui, va porter
sur les savoirs linguistiques liés aux particularités de chaque langue et à la
spécificité de leur maniement social et culturel.
Quant au développement cognitif, selon J. F. Hamers
& M. Blanc (1989, pp. 88-100) et G. Lüdi (2001, pp. 1-8), un nombre
considérable d’études suggère l’existence d’un avantage sur le plan
intellectuel lié au développement de la bilingualité. Les avantages cognitifs
liés au développement bi- et multilingue se retrouvent au niveau de la flexibilité
cognitive, des tâches créatives, des habiletés métalinguistiques,
et de la créativité verbale.
Pour J.-F. Hamers et M. Blanc (op. cit.), le meilleur
rendement intellectuel des bilingues est l’expression d’une grande flexibilité
cognitive, résultant de l’habitude de passer d’un système de symbole à
l’autre.
G. Lüdi (op. cit.) affirme que les facultés
métalinguistiques des enfants bilingues sont plus avancées que celles de
leurs pairs monolingues. Cela signifie une meilleure compétence analytique,
mais aussi et surtout un contrôle cognitif supérieur des opérations
linguistiques. Cela entraîne des avantages lors de l’acquisition de la
littéracie[3]
et de meilleures chances de succès scolaires.
T. Skutnabb-Kangas et P. Toukomaa (1976) ont montré
qu’il y avait une relation directe entre la compétence de l’enfant dans sa
première langue et la compétence dans la seconde. Si la première langue du
sujet est pauvrement développée pour diverses raisons et ensuite exposée à une
seconde langue, elle peut gêner le développement de la première. Le
développement pauvre des aptitudes dans la première langue va nuire au progrès
fait dans la seconde langue aussi bien en quantité qu’en qualité.
J. Cummins (1976, 1979, 1981) a également formulé une
théorie qui repose sur deux hypothèses, l’hypothèse de l’interdépendance
développementale et l’hypothèse des seuils minimaux de compétence
linguistique. L’hypothèse de l’interdépendance développementale suggère que
le développement d’une compétence en seconde langue est fonction de la
compétence en première langue au début de l’exposition à la seconde langue.
Les recherches effectuées par différents chercheurs
dans le domaine du bi- et plurilinguisme ont montré que les enfants bi- et
multilingues ont une meilleure habileté à analyser la langue, à réfléchir
sur ses structures, à en percevoir les effets et les enjeux que leurs
camarades monolingues. Cette compétence à réfléchir sur la langue que l’on
utilise est reconnue pour la LM et pour la LE. Ainsi les enfants qui sont
exposés très tôt à une seconde langue font appel à « des opérations
aussi diverses que la généralisation, l’imitation, l’analogie, la mémoire, etc.
qui permettent d’intérioriser des éléments de l’input en langue vivante 2 et de
les utiliser de façon de plus en plus semblable à celle du locuteur natif […].
Cette aptitude linguistique est définie comme un ensemble d’habiletés
intellectuelles, semblables à l’intelligence, mais spécifiquement reliées à la
compétence en seconde langue » (J.-F. Hamers et M. Blanc, 1989, p.
380).
J.-F. Hamers et M. Blanc (1989, p. 381) identifient
quatre composantes majeures de l’aptitude à apprendre une seconde langue,
telles que l’encodage phonétique, la sensibilité aux règles de grammaire,
la mémorisation et l’habileté inductive propre à l’apprentissage d’une
langue.
L’encodage phonétique est une habileté à coder
auditivement du matériel phonétique qui permet de le reconnaître et de le
rappeler après un certain temps. La sensibilité aux règles de grammaire
est une habileté à manipuler les formes de la langue et à les organiser en
énoncés. La troisième composante, identifiée à la mémorisation, se
réfère en particulier à la capacité d’apprendre un grand nombre d’associations
en peu de temps. Enfin, l’habileté inductive permet de déduire de
l’input linguistique les formes, les règles de grammaire et les syntaxes
propres à chaque langue.
Ces habiletés interviennent également dans
l’apprentissage de la LM. Ces aptitudes utilisées dans l’apprentissage de la LE
sont également mises au service de la LM et permettent à l’enfant d’établir
des comparaisons linguistiques, de développer son vocabulaire,
de prendre la distance par rapport à sa propre langue et de développer
ses capacités métalinguistiques. Cela veut dire que sa compétence en
LM sera renforcée, que ses capacités d’abstraction seront à tout moment
sollicitées par la réflexion métalinguistique sur les deux langues qu’il
pratique.
3. Les transferts de compétences en situation plurilingue
Dans la situation du bi- et plurilinguisme, il existe
assurément lors de l’écriture des effets de transferts aussi bien dans les
processus de bas que de hauts niveaux.
Selon P. Lefrançois (2001, pp. 224), l’orthographe de
la première langue influence celle de la deuxième langue, du moins chez les
scripteurs faibles. En ce qui concerne le transfert en orthographe lexicale, P.
Lefrançois (2001, p. 225) cite C. Edelsky (1982) qui conclut que « ce
qu’un scripteur débutant connaît de l’écriture dans sa première langue, en
termes de directionalité ou d’orthographe, notamment, forme la base de
nouvelles hypothèses pour l’écriture dans sa deuxième langue ». Pour
P. Lefrançois (op. cit.), à l’inverse, la deuxième langue a pu influencer la
façon d’orthographier les mots de la première langue. Cette tendance est plus
forte chez les élèves plus jeunes et dans le cas des mots moins fréquents et
surtout des pseudo-mots. En dehors de l’orthographe, à travers une recension
des recherches récentes, P. Lefrançois
(op. cit.) affirme que les transferts en écriture de la première langue à la seconde
langue se rencontrent également dans les autres composantes de
l’écriture : le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe, les processus
d’écriture.
Le vocabulaire de la première langue affecte le
choix lexical en deuxième langue, surtout chez les débutants. Ils sont plus
enclins à traduire mot à mot des expressions de leur première langue qu’à
utiliser des expressions propres à leur deuxième langue. Les scripteurs
débutants en deuxième langue ont tendance à croire qu’il existe pour chaque mot
de leur première langue un équivalent exact en deuxième langue. A mesure qu’ils
deviennent plus expérimentés, les scripteurs se détachent graduellement de leur
première langue pour réussir à relexcaliser en deuxième langue, c’est-à-dire à
ne plus chercher d’équivalent direct, et même à effectuer leurs recherches dans
le dictionnaire en deuxième langue.
Le traitement
grammatical et syntaxique de la première langue est employé en deuxième
langue, surtout en début d’apprentissage. En ce qui concerne la morphologie des
verbes, les paramètres propres à la première langue sont utilisés tels quels
par les apprenants de la deuxième langue lorsqu’ils sont débutants, puis,
graduellement, les paramètres propres à la deuxième langue remplacent ceux de
la première langue.
Les stratégies générales d’écriture sont assez
semblables en première langue et en deuxième langue à quelques nuances près.
Ces effets de transfert aident-ils les scripteurs à
mieux écrire en deuxième langue ? Pour P. Lefrançois (op. cit.), en ce qui
concerne les stratégies générales d’écriture, la compétence acquise en première
langue contribue dans les meilleures conditions à l’acquisition d’une
compétence en deuxième langue. Quant aux autres aspects, il faut, pour se
prononcer, considérer la proximité relative de la première langue et de la
deuxième langue et des cultures qui leur sont associées. Si la première langue
et la deuxième langue ne partagent pas le même système d’écriture, l’une étant
logographique et l’autre, alphabétique, les bénéfices du transfert en
orthographe seront beaucoup moins évidents que dans le cas de deux langues de
même origine. Selon cet auteur (op. cit.), plus les deux langues partagent des
congénères, plus leurs règles grammaticales et leurs structures syntaxiques
sont semblables, et plus les effets de transfert seront potentiellement
positifs.
4. Les transferts de compétences d’écriture
chez les enfants « bilingues » et leurs effets bénéfiques
Ma recherche porte sur l’appropriation des compétences
d’écriture en vietnamien langue maternelle (VLM) et en FLE par de jeunes
enfants vietnamiens qui apprennent le français dès la première année du
primaire, à l’âge de six ans.
Un des objectifs de cette recherche consiste à repérer les transferts
de compétences d’écriture entre le VLM
et le FLE et les effets bénéfiques des ces transferts dans l’appropriation des
compétences d’écriture par les enfants « bilingues ».
Les résultats de cette recherche montrent qu’il existe des transferts
négatifs du VLM sur le FLE dans l’écriture en FLE chez les enfants vietnamiens.
Cependant, leurs effets positifs sont plus importants que les effets négatifs.
L’analyse des enquêtes réalisées auprès des enseignantes et des élèves permet d’émettre
les hypothèses suivantes concernant ces effets bénéfiques de
transferts :
Au niveau de l’orthographe, on observe une
présence très rare des erreurs orthographiques dans les copies en vietnamien
des élèves « bilingues » par rapport aux monolingues. Ce phénomène
permet de formuler l’hypothèse que les stratégies orthographiques (conscience
morphologique, correspondance phonie-graphie, connaissances orthographiques)
que les enfants « bilingues » utilisent pour orthographier les mots
français leur seraient utiles dans la maîtrise du code écrit du vietnamien. Le
vietnamien possède un système d’écriture alphabétique comme le français. En
vietnamien, il n’y a pas de variations morphologiques comme en français au
niveau des mots monosyllabiques. Pourtant, au niveau des mots plurisyllabiques,
il existe le phénomène de formation de mots par affixation. Les enfants pourraient
donc recourir à la stratégie de conscience morphologique pour orthographier les
mots vietnamiens comme en français.
Au niveau du lexique, les enfants
« bilingues » ont un répertoire lexical en vietnamien plus développé
que celui de leurs homologues monolingues. En effet, l’analyse quantitative des
copies en vietnamien des deux filières permet de voir que le nombre de
« syllabes[4] »
utilisées par les élèves « bilingues » est plus élevé par rapport à
leurs pairs monolingues. C’est grâce à l’acquisition lexicale simultanée dans
les deux langues que les élèves « bilingues » auraient un répertoire
lexical plus développé en VLM. Ce phénomène pourrait s’expliquer par le
transfert de connaissances lexicales du FLE vers le VLM que les enfants
« bilingues » ont acquises dans l’apprentissage précoce du français.
Ces effets de transferts permettraient aux enfants de produire des textes en
vietnamien plus riches en lexique et en idées.
An niveau de la syntaxe, les élèves
« bilingues » écrivent des phrases plus correctes et font moins
d’erreurs de morphosyntaxe que leurs homologues monolingues dans l’écriture en
vietnamien. L’examen des copies des deux filières rend compte que les élèves
« bilingues » écrivent en vietnamien mieux que leurs pairs
monolingues. En effet, leurs textes sont plus cohérents et mieux ponctués que
ceux des monolingues. Ces effets avantageux de transferts de compétences
d’écriture seraient dus aux habiletés métalinguistiques des élèves
« bilingues » acquises dans la situation de l’apprentissage simultané
des deux langues, donc à leur meilleure capacité à analyser la langue, à
réfléchir sur ses structures, à percevoir les effets et les enjeux que leurs
homologues monolingues.
Au niveau de l’organisation textuelle, les
résultats de ma recherche permettent de formuler l’hypothèse que d’une part,
les élèves « bilingues » écriraient mieux les textes narratifs par
rapport aux autres types de textes, et d’autre part, ils semblent produire ce
type de texte mieux que leurs pairs monolingues. La moyenne plus importante des
« syllabes » utilisées dans les copies de la 4e année
(618,4 pour les élèves « bilingues » contre 436,0 pour les élèves monolingues) par rapport aux
autres années conforte cette remarque. En effet, les élèves de la filière
« bilingue » ont plus de possibilités de se familiariser avec les
textes narratifs dans les deux langues. La redondance dans l’acquisition des
types de textes, notamment des textes narratifs dans les deux langues,
permettrait aux enfants « bilingues » de mieux les approfondir et
d’acquérir des habiletés textuelles tant en LM qu’en LE. Ils écriraient mieux
en vietnamien grâce aux habiletés textuelles acquises : leurs textes
seraient mieux ponctués, plus cohérents.
Au niveau des stratégies d’écriture, étant
donné que leur répertoire linguistique en français reste encore limité, il
serait difficile pour les enfants « bilingues » de transférer les
stratégies d’écriture acquises en LM dans l’écriture en LE. Leurs stratégies
d’écriture en LE sont moins adéquates que celles utilisées en LM. Dans
l’écriture en français, les apprentis scripteurs sont dérangés par des
considérations linguistiques : ils se préoccupent notamment de
l’orthographe et de la correction syntaxique.
5. Conclusion
Les résultats de ma recherche permettent de confirmer les
hypothèses formulées au départ :
L’exposition des enfants à une seconde langue au début
de la scolarité ne serait pas néfaste à leur développement harmonieux. Au
contraire, les avantages cognitifs et linguistiques qu’ils en retirent seraient
considérables.
L’appropriation d’une seconde langue, voire une
troisième langue dans un environnement linguistique riche ne risque pas de
restreindre la maîtrise en langue
première, à condition que celle-ci continue à être parlée et valorisée dans le
réseau communicatif de l’enfant.
En ce qui concerne le lien entre la LM et la ou les LE
dans la situation de l’apprentissage précoce de LE, D. Groux (2003, p. 113)
considère qu’il n’y a aucun paradoxe, mais, au contraire, une vérité didactique
forte, à soutenir que l’apprentissage de la LM est toujours facilité et
renforcé par celui d’une LE. Celle-ci aide en effet l’élève à mieux identifier
sa propre langue, à la comprendre plus clairement, à en prendre possession de
manière adéquate, c’est-à-dire de l’intérieur et à distance. La réciproque est
vraie, dans une certaine mesure : ceux qui maîtrisent le mieux leur LM se
trouvent les mieux placés pour apprendre à se servir d’une LE.
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
AKINCI M.-A., 2002, « Le bilinguisme et
les enfants issus de l’immigration turque », Intervention comme
conférencier invité CREFE, Belgrade.
DABENE L, 1991, « Enseignement précoce d’une
langue ou éveil au langage », LE FRANÇAIS DANS LE MONDE, numéro
spécial août-septembre 1991, consacré au thème
« Enseignements/apprentissages précoces des langues », Hachette,
Paris, pp. 57-64.
DABENE L., 1994, Repères sociolinguistiques
pour l’enseignement des langues. Les situations plurilingues, Hachette FLE.
DEPREZ C., 1999, Les enfants
bilingues : langues et familles, CREDIF/Didier, Paris.
GAONAC’H D., 2002, « l’enseignement
précoce des langues étrangères » Sciences
humaines, n°123, janvier 2002, pp.16-20.
GROUX D., 1996, L’enseignement précoce des
langues. Des enjeux à la pratique, Editions de la Chronique sociale,
Lyon.
HAMERS J.-F., BLANC M., 1989, Bilingualité et
bilinguisme, Pierre Mardaga, Bruxelles.
LEFRANÇOIS P., 2001, « Le point sur les
transferts dans l’écriture en langue seconde », La
revue canadienne des langues vivantes, décembre 2001, pp. 223-241.
LÜDI G., 2001, L’enfant bilingue :
chance ou surcharge ? Article disponible sur Internet.
PORCHER L., GROUX D., 2003, L’apprentissage
précoce des langues, Que sais-je ?
PUF.
[1] Nous reprenons les notions de plurilinguisme
et multilinguisme distinguées par D. Groux (1996, p. 19) : le plurilinguisme
désigne la coexistence de plusieurs langues au sein d’un même Etat, d’une même
société. Le multilinguisme désigne la capacité d’une personne ou d’une
société à parler plusieurs langues.
[2] Nous reprenons la définition de la bilingualité donnée par J.
F. Hamers et M. Blanc (1989, p. 21) : « Par bilingualité, il faut
comprendre un état psychologique de l’individu qui a accès à plus d’un code
linguistique ; le degré d’accès varie sur un certain nombre de dimensions
d’ordre psychologique, cognitif,
psycholinguistique, sociopsychologique, sociologique, sociolinguistique,
socioculturel et linguistique ».
[3] Selon M. A. Akinci (2002, p. 1), B. Street (1993) définit la littéracie
comme la capacité à acquérir les techniques du langage écrit dans une société
donnée.
[4] Le terme de « syllabe » est employé dans ce contexte dans le
but d’éviter la confusion de sens avec celui de
« mot » en vietnamien.
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